Le foulard rouge – Patrick Fort

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Gurs ? Gurs…Pour beaucoup d’entre nous, une évocation plus ou moins vague, quelques réminiscences  de cours d’histoire, de lectures, de reportages peut-être. Pas très loin de la frontière espagnole, un camp de détention pour les Républicains espagnols, les Communistes et les Anarchistes, c’est généralement ce l’on a à peu près retenu. Pour les prisonniers survivants et leurs descendants, le camp d’internement de Gurs – Pyrénées Atlantiques – est un souvenir tragique autrement plus précis. Créé en 1939 par le gouvernement Daladier, le camp « accueillera » 23000 Combattants Républicains Espagnols, 7000 volontaires de Brigades Internationales, 120 Patriotes et Résistants Français, 12860 Juifs immigrés internés en mai/juin 1940, 6500 Juifs Allemands, 12000 Juifs arrêtés en France – dont beaucoup seront déportés en Pologne via Drancy  -,  des Gitans et quelques détenus de droit commun. Environ 64 000 personnes de tous ages y survécurent dans des conditions plus qu’effroyables entre 1939 et 1945. Un gigantesque camp d’internement de 5 km sur 500 mètres construit sur des terres incultivables balayées par les vents, rasé, rayé de la carte et si possible des mémoires, après la guerre.

Le Foulard rouge  est un roman, une histoire déchirante, un ardent hommage aux  martyrs et  Gurs et aux héros qui ont tenté l’impensable pour leur venir en aide. Une ode à la vie et à l’amour, à la fidélité, au pardon et à la rédemption. Un roman à trois voix qui laisse abasourdi, troublé et ému.

Giovanni Fontana mène une existence paisible dans un petit village des Landes. Solitaire et discret, l’homme s’est fait apprécier des villageois qui ignorent son passé ; son nom et son accent le font deviner italien, peut-être un ancien anarchiste ou un communiste, qui sait ! Un opposant au fascisme sans nul doute. A vrai dire, tout le monde s’en fiche. La guerre est loin, Fontana est apprécié pour ce qu’il est, pas pour ce qu’il fût. Engagé dès la première heure contre Mussolini, puis auprès des Républicains espagnols, entré dans la Résistance française après son évasion du camp de Gurs, Giovanni sait l’exil et l’errance, les trahisons et les remords. Il a appris à faire taire ses douleurs et à cohabiter avec ses blessures. Jusqu’au jour où le passé ressurgit par le biais d’une lettre. La missive d’un fantôme, d’un rêve, d’une revenante, d’un immense amour perdu et toujours palpitant dans les replis de son coeur. Maylis est vivante ! La tête qui tourne, le cœur qui s’emballe, la vue qui se brouille et cette question en boucle : pourquoi avoir attendu cinquante ans ?  Rendez-vous lui était donné à Gurs où tout avait commencé et où il n’est jamais retourné. Mais pourquoi avoir tant attendu ? Un si long silence pour un si grand amour était incompréhensible.  Quelle tragédie avait-elle connu ? Quel secret portait-elle ? Comment l’avait-elle retrouvé ? Cinquante ans !

«  Elle avait longtemps cru que la guerre lui avait volé son amour. Elle avait ressassé cette idée jusqu’à, curieusement, y trouver une consolation. Car le sacrifice de Giovanni lui avait offert une raison de vivre à laquelle elle s’était accrochée pour ne pas sombrer.

  Elle devait rester droite, fière et ne jamais baisser les yeux, trouver la force de continuer pour être indestructible et piétiner le chagrin.

  (…) Mais au fond, elle n’avait jamais réussi à faire le deuil  de son passé.

  Bientôt, flamboyant, il renaîtrait dans ce qu’il avait de plus lumineux.

  Les années passaient, le cœur se desséchait, le corps s’effondrait, le visage se ridait mais l’âme, pure et intacte, débarrassée du superflu, subsistait toujours. Nue et fragile.

  Le temps n’estompait rien même si, parfois, la mémoire vous tendait des pièges pour vous tromper.

   L’oubli était une imposture, un mur vacillant aux pierres mal scellées, dressé entre un avant et un après dont la frontière invisible se désagrégeait dès qu’on la frôlait.

  Maylis part rejoindre son destin.

  Peu importe ce qu’il lui réserve. »

L’auteur : Né en 1970 à Saint-Pé-de – Bigorre, Patrick Fort vit et travaille dans les Landes. Dans la bibliothèque de ce passionné de littérature, notamment américaine, Jim Harrison, Cormac Mccarthy, Thomas Mann, voisinent avec les grands classiques français. De son propre aveu, Patrick Fort écrit «pour le plaisir de raconter des histoires aux autres, certes, mais finalement aussi à soi-même». Son premier roman Le voyage à Wannsee a paru aux éditions Gallimard (Source La dépêche).

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