Là où chantent les écrevisses – Delia Owens
La Fille du marais. C’est ainsi qu’à Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord, on la surnommait. Avait-elle seulement un prénom ? Nul ne s’en souciait vraiment jusqu’à la découverte du corps sans vie de Chase Andrew dans le marécage. Aucun doute : la coupable ne pouvait être que cette sauvageonne qui vivait seule en ce lieu hostile depuis ? Depuis combien de temps d’ailleurs ? Personne n’aurait su le dire. Le mépris, l’indifférence, l’ignorance avaient fait leur travail de sape depuis longtemps et en cette année 1969 ils étaient peu nombreux à pouvoir vraiment parler d’elle. Kya, puisque tel est son prénom, vint au monde en 1945 dans la misérable cabane qu’occupait sa famille au milieu du marais. À tout juste six ans, elle voit sa mère chérie partir sans un regard, ni même un baiser, la vieille valise à la main, ses chaussures en faux alligator aux pieds. Quelques mois plus tard, suivant l’exemple de Ma, la fratrie se sauva en catimini. Seul Jordie était resté pour protéger sa petite sœur, mais il ne résista pas longtemps aux raclées de Pa et prit aussi la fuite. Au moins lui, lui dira-t-il adieu. Commença alors la vie encore plus difficile de la fillette aux côtés d’un père violent qui oubliait trop souvent qu’elle existait. Jusqu’au jour où lui aussi ne revint pas d’une de ses virées. Livrée à elle-même, Kya ne devra son salut qu’à sa connaissance des lieux et à sa débrouillardise. Depuis sa plus tendre enfance, elle collectionnait les nids d’oiseaux, les jolies plumes et les coquillages. Rapidement, son extraordinaire sens de l’observation, son amour du marais et des animaux emplirent cette vie solitaire traumatisée par les abandons successifs des siens dont elle finit par oublier les visages et les prénoms. Aussi farouche et souple qu’un faon, elle se dissimulait aisément aux yeux de ses semblables et sans doute serait-elle devenue une sorte d’enfant sauvage si le jeune Tate et le vieux Jumping n’avaient posé sur elle leurs regards pleins de générosité et ne lui avaient tendu la main. Réussiront-ils à convaincre la jeune Kya que l’amour, l’amitié et la fidélité existent vraiment ? Parviendront-ils à soulager ce cœur lourd de chagrins et de l’ignorance de ses propres origines.
Par ses qualités narratives, l’incarnation de ses personnages et son sens de l’intrigue, le premier roman de Delia Owens est une vraie réussite. Et ce serait injuste de ne pas évoquer les magnifiques descriptions de la faune et la flore du marais. Certes l’auteur, biologiste et zoologiste, connaît parfaitement le décor dans lequel elle a planté son histoire, mais cela ne suffirait pas si ce savoir n’était porté par un vrai talent d’évocation et d’écriture. Les lecteurs ne s’y sont pas trompés, réservant au roman un immense succès que l’adaptation cinématographique (en cours) devrait encore accentuer. Jamais plumes d’oiseaux ne me fut si belles ni coquillages si merveilleux.
Un petit conseil : ne commencez ce roman que lorsque vous aurez vraiment du temps devant vous. Sinon, vous risquez fort de rater votre arrêt de bus, passer une nuit trop courte, remettre à plus tard une tâche ou maugréer contre ceux qui auront la mauvaise idée de vous interrompre…Et pensez à vous munir de quelques mouchoirs. Vous allez adorer la lumineuse Catherine Danielle Clark Kya la Fille du marais !
L’auteure : Delia Owens est née en 1949 en Géorgie, aux Etats-Unis. Diplômée en zoologie et biologie, elle part s’installer avec son mari, chercheur et biologiste comme elle, au Botswana en 1974. Ensemble, ils étudient les différentes espèces de mammifères de la région. Grâce à cette incroyable expérience au Kalahari puis en Zambie, ils publient trois livres de non fiction, tous bestsellers aux USA. Delia Owens publie également de nombreux articles scientifiques dans Nature, Natural History, Animal Behavior, Journal of Mammalogy, en menant ses recherches sur les espèces animales en danger et elle monte des projets de sauvegarde de grande ampleur. Après 23 années passées en Afrique, ils vivent désormais en Caroline du Nord, toujours au plus proche de la nature.
Là où chantent les écrevisses, Delia Owens, Le seuil