Livres, films et séries… La sélection « Autour de la maison » de Julia

« Aimer rester chez soi, c’est se singulariser, faire défection. C’est s’affranchir du regard et du contrôle social. » Mona Chollet

En ces temps de confinement, et afin de profiter pleinement de ce temps libre qui nous impose avec prudence de rester chez nous, quoi de mieux que de se plonger dans la lecture d’un bon roman, d’un thriller palpitant ou d’un essai brillant ? Et pour que le plaisir soit total, entrecouper ses lectures de pépites cinématographiques me paraît tout indiqué !

Bon, soyons fous, partons de cette idée de confinement pour vous proposer une myriade de petites merveilles littéraires et cinématographiques autour de la thématique de la maison, qui bien souvent devient un véritable personnage à part entière !

Nous avons hâte de vous retrouver en bonne santé pour parler de cette sélection avec vous en librairie, en attendant prenez bien soin de vous, de vos voisins et de vos proches.

Les livres

LE livre qui nous vient bien sûr immédiatement à l’esprit ! Celle qui nous a complètement ensorcelé fin 2018 avec son puissant Sorcières, la puissance invaincue des femmes, nous racontait dans cet essai brillant le plaisir intense qu’elle prenait à s’enfermer chez elle. Un essai drôle et novateur qui déculpabilise toutes celles et tous ceux pour qui rester chez soi n’est pas synonyme d’angoisse ou de déprime, mais de douceur, de calme et de rêveries.

Extrait :« Or, dans une époque aussi dure et désorientée, il me semble au contraire qu’il peut y avoir sens à repartir de nos conditions d’existence ; à repartir de ces actions – à peine des actions, en réalité – et de ces plaisirs élémentaires qui nous maintiennent en contact avec notre énergie vitale : traîner, dormir, rêvasser, lire, réfléchir, créer, jouer, jouir de sa solitude ou de la compagnie de ses proches, jouir tout court, préparer et manger des plats que l’on aime ».

Chez soi; Une odyssée de l’espace domestique, Mona Chollet, Poche essais, La découverte

Le jour de Noël, une femme se réveille angoissée avec l’étrange impression que quelque chose les a suivis jusqu’à chez eux 15 ans plus tôt, lors de l’adoption de leur fille Tatiana en Russie. Au fil de la journée, rien ne se passe comme prévu : elle a du retard sur ses préparatifs,  son mari se retrouve bloqué sur la route de l’aéroport, et ses invités se décommandent les uns après les autres. Et surtout : une tempête de neige d’une puissance inouïe la force à se cloîtrer chez elle avec sa fille, au comportement de plus en plus étrange… Un huis clos à l’atmosphère anxiogène, digne des meilleurs films d’Hitchcock, par l’une des écrivaines américaines les plus passionnantes de ces dernières années !

Extrait : « En fait, quand l’agence d’adoption s’était occupée de leurs billets d’avion, Holly avait peut-être pensé que, par « Sibérie », on devait juste entendre « hors des sentiers battus » ou « sauvages ». Pas que l’orphelinat était réellement situé en Sibérie. Mais c’était bien en Sibérie qu’ils s’étaient retrouvés. La Sibérie existait. Il y avait des bouteilles de vodka et des projecteurs et des fils barbelés, comme Holly s’y était attendue, et il y avait également des femmes portant des foulards, des charrettes chargées de paille, des hommes lugubres en uniforme, quelques superbes jeunes filles arborant des chapkas – rien de tout cela ne l’avait surprise. Bien que Holly fût surprise par tout le reste. Tout. Et plus particulièrement par les superstitions. À l’orphelinat Pokrovka n°2, comme les bébés toussaient et avaient de la fièvre, les infirmières avaient demandé à Holly et à Éric de porter des colliers de gousses d’ail. Elles leur avaient tendu de véritables gousses d’ail suspendues à des bouts de ficelle grise. Pour repousser les microbes ? Où… ? »

Esprits d’hiver, Laura Kasischke, Le livre de poche

Retour sur la vie de Jeanne Devidal, décédée en 2008 à l’âge de 100 ans, qui fut longtemps surnommé La folle de St Lunaire. Durant toute sa vie, elle construisit, à l’instar du facteur cheval, une maison de bric et de broc qui étonna touristes et voisins par son ingéniosité et sa douce folie. Un monument d’art brut malheureusement en partie détruit en 1990. Un hommage sensible à la vie de cette femme hors normes, résistante, ancienne employée des PTT qui interceptait les courriers de dénonciation et qui consacra toute sa vie à sa maison pour s’y sentir véritablement chez elle.

 Extrait : « Et d’autres murs encore pour entourer les murs originels. Tromper son monde.Des leurres. Des remparts. Fortifications. Forteresse. Écran entre le monde et elle. Caparaçonnés de mortier, agglomérés de cageots et de conserves. Un bestiaire polymorphe en ronde-bosse scellé dans la maçonnerie. »

La femme murée, Fabienne Juhel, La brune, Le Rouergue

Se replonger dans les origines du lien entre l’homme et son habitat, suivre des comptes rendus de fouilles archéologiques, et se questionner sur la sédentarisation, la domestication, l’architecture… Vaste programme si bien mis en lumière par la plume de François Valla, ethnologue ayant fait de la vie des chasseurs-cueilleurs plus ou moins sédentarisés son principal axe de travail.

L’homme et l’habitat ; L’invention de la maison durant la préhistoire, François Valla, CNRS éditions

Un très bel ouvrage qui nous propose, à grand renfort de photographies, de goûter à la douce quiétude des intérieurs japonais. Et cela nous donne immédiatement envie de nous poser au calme dans un coin d’une de ces belles maisons pour y rêvasser ou se laisser bercer par un livre en buvant un thé bien chaud !

Living in Japan, Reto Guntli, Alex Kerr, Kathy Arlyn Sokol, Angelika Taschen, Taschen

Un été de 1985, dans la fournaise californienne, un jeune homme et sa mère avec laquelle il entretient une relation fusionnelle et oppressante, sont confinés chez eux. Dans leur vieille maison isolée, les idées noires du jeune homme le pousseront petit à petit à commettre l’irréparable… Un roman anxiogène et brillant, à l’instar des autres ouvrages de cet auteur extraordinaire.

Extrait : « Galen effectua un cercle lent sous le soleil. Il n’y avait pas d’ombre.L’asphalte noir irradiant la chaleur. Les humains avaient créé les modes de vie les plus merdiques. Maisons de retraite, voitures, asphalte, coincés dans les déserts comme ici, des endroits où l’on ne pourrait supporter de vivre un jour de plus. Ils auraient été plus avisés de continuer à se balader tout nus sans rien inventer. Ainsi, les humains pourraient marcher vers une rivière, un lac ou un bosquet d’arbres. Ils ne seraient jamais obligés de rester debout dans un four long d’un millier de kilomètres. »

Impurs, David Vann, Gallmeister

Paru en 1943, le chef d’œuvre de Jean-Paul Sartre n’a pas pris une ride. Trois personnages dont la vie vient de s’arrêter – un journaliste, une employée de la poste, et une mondaine – se retrouvent enfermés dans un salon, en Enfer. S’engage entre eux un long dialogue qui les pousseront à se dévoiler, à exposer leurs doutes, leurs convictions, leurs souffrances et leurs parts d’ombre, devenant petit à petit chacun le bourreau des deux autres. Se faisant, ils nous interrogent sur notre rapport à autrui, la construction de notre identité, le mensonge et le lien. Une pièce de théâtre drôle, audacieuse, intemporelle.

Extraits :

« GARCIN – Je n’ai pas rêvé cet héroïsme. Je l’ai choisi. On est ce qu’on veut.

INES – Prouve-le. Prouve que ce n’était pas un rêve. Seuls les actes décident de ce qu’on a voulu.

GARCIN – Je suis mort trop tôt. On ne m’a pas laissé le temps de faire mes actes.

INES – On meurt toujours trop tôt – ou trop tard. Et cependant la vie est là, terminée: le trait est tiré, il faut faire la somme. Tu n’es rien d’autre que ta vie. »

« Alors c’est ça l’enfer. Je ne l’aurais jamais cru… Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le grill.. Ah quelle plaisanterie. Pas besoin de grill, l’enfer c’est les autres. »

Huis clos, Jean-Paul Sartre, Folio

L’héroïne, Ann, décide subitement de quitter cette vie qui l’étouffe, et de laisser derrière elle son compagnon, sa maison, son travail, pour partir s’exiler sur la petite île d’Ischia en Italie du Sud. Là, elle tombe littéralement amoureuse de la villa d’une vieille femme, Amalia, qui accepte de la lui vendre. Un roman lumineux, solaire, d’une grande douceur, un véritable hymne à la renaissance et à la liberté.

Extrait : « Tous les amants ont peur. Elle avait terriblement peur de ne pas convenir à la maison. Elle eut peur de ne pas savoir s’y prendre en lançant les travaux. Peur d’en altérer la force. Peur de rompre un équilibre. Peur aussi d’être déçue. Peur de ne pas être aussi heureuse qu’elle pensait qu’elle allait l’être quand elle avait découvert la villa pour la première fois.

Le printemps balaya la peur.

Ce furent les grands jasmins sauvages.

Ce furent les buissons de roses.

Ce furent les anémones sans nombre, aux couleurs si profondes, aux beautés de soie.

Ce furent les pavots. »

Villa Amalia, Pascal Quignard, Folio

Extrait : « Un médecin voit couler beaucoup de larmes. Certaines le touchent plus que d’autres. J’avais réellement quantité de choses à faire chez moi et cela ne m’amusait pas du tout d’avoir été retardé pour rien. Mais Betty paraissait si jeune, si désespérée, que je la laissai pleurer tout son saoul. Puis je posai doucement une main sur son épaule.
– « Allons, ça suffit, maintenant. Dis-moi ce qui ne va pas. Tu ne te plais pas ici ? » »

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un médecin de campagne pénètre dans une maison isolée et y découvre une famille cloîtrée, traumatisée par la guerre et qui lutte pour se défaire du passé tout en étant complètement hantée par celui-ci. Les différents habitants se dévoilent petit à petit dans toute leur complexité sous les yeux ébahis du docteur qui se rendra de plus en plus souvent dans cette demeure hors du temps qui l’obsède, personnage à part entière du roman. Une écriture magnifique, et une ambiance gothique oscillant entre réel et surnaturel superbement retranscrite.

L’indésirable, Sarah Waters, 10 18

Si vous ne deviez lire QU’UN SEUL livre sur les fantômes et maisons hantées, il faudrait absolument que ce soit celui-ci. Véritable chef-d’œuvre parut initialement en 1959 et réédité récemment par les éditions Rivages noirs, l’ouvrage de Shirley Jackson à l’ambiance glaciale vous fera frissonner de plaisir et d’effroi. Le docteur Montague, passionné par les fantômes, décide de louer une vieille bâtisse réputée hantée, Hill House, et d’y inviter trois jeunes gens afin qu’ils y notent leurs impressions. Jour après jour, ils vont alors faire la découverte d’un lieu complexe, angoissant, et de phénomènes tous plus étranges les uns que les autres… Ce livre, à l’écriture ensorcelante, a inspiré le film de Robert Wise, La maison du diable (1963), ainsi que la brillante série tv The haunting of Hill House réalisé par Mike Flannagan que nous sommes nombreuses et nombreux à avoir adoré à la librairie !

Extrait :  » Aucun organisme vivant ne peut connaître longtemps une existence saine dans des conditions de réalité absolue. Les alouettes et les sauterelles elles-mêmes, au dire de certains, ne feraient que rêver. Hill House se dressait toute seule, malsaine, adossée à ses collines. En son sein, les ténèbres. Il y avait quatre-vingts ans qu’elle se dressait là et elle y était peut-être encore pour quatre-vingts ans. À l’intérieur, les murs étaient toujours debout, les briques toujours jointives, les planchers solides et les portes bien closes. Le silence s’étalait hermétiquement le long des boiseries et des pierres de Hill House. Et ce qui y déambulait, y déambulait tout seul.« 

La maison hantée, Shirley Jackson, Rivages noir

Et pour poursuivre l’aventure, quelques films et séries autour de cette thématique :

Dans la maison – François Ozon – (2012)

Les autres – Alejandro Amenabar (2001)

Livide – Julien Maury et Alexandre Bustillo (2011)

Mother – Arronofsky (2017)

Seven sisters – Tommy Wirkola (2017)

La maison démontable – Buster Keaton (1920)

Dark Skies – Scott Charles Stewart (2013)

The visit – M Night Shyamalan (2015)

Dream Home – Pang Ho-cheung (2010)

Hansel et Gretel – Pil-Sung Yim (2007)

Ils – Xavier Palud et David Moreau (2006)

Tous les dieux du ciel – Quarxx (2019)

La maison du diable – Robert Wise (1963)

Innocents, the dreamers – Bernardo Bertolucci (2003)

Leviathan – Andrei Zvyagintsev (2014)

Don’t Breath – Fede Alvarez (2016)

Panic Room  – David Fincher (2002)

Rebecca – Alfred Hitchcock (1940)

Crimson Peak – Guillermo Del Toro (2015)

Home – Ursula Meier (2008)

La maison aux sept pignons – Joe May (1940)

Le sous-sol de la peur – Wes Craven (1991)

Get out – Jordan Peele (2017)

Misery – Rob Reiner (1990)

Un homme intègre – Mohammad Rasoulof (2017)

Le bruit des glaçons – Bertrand Blier (2009)

Parasite – Bong Joon Ho (2019)

Mes chers voisins – Alex de la Iglesia (2000)

A ghost story – David Lowery (2017)

La servante – Kim Ki-young (1960)

Invisible man – Leigh Whannell (2020)

The haunting of Hill House – Mike Flannagan (2018)



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.